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Par le Dr cécile DOR, DipECVIM, spécialiste en médecine interne.

Un cas de Maladie de Cushing suivie d’un panhypoadrénocorticisme iatroègne

Anamnèse

Jaya, chienne Bull Terrier femelle entière de 7 ans est référée au CVS Azurvet pour polyuro-polydipsie (prise de boisson estimée à 150mL/kg/j), polyphagie, distension abdominale, et alopécie diffuse tronculaire évoluant depuis 3 mois. Une boiterie avec appui du membre pelvien gauche est également rapportée depuis 2 semaines.

Examen clinique

A l’examen clinique, la chienne présente une discrète amyotrophie généralisée malgré un état d’embonpoint modéré (NEC = 6/9).

L’examen à distance permet de documenter des lésions cutanées multifocales sévères avec notamment des zones alopéciques diffuse multifocales en région axillaire bilatéralement, caudalement aux pavillons auriculaires, sur la face palmaire des avants bras et face plantaire des métatarses. Des plaques cutanées alopéciques épaissiee, en relief, indurées et croûteuses sont également notées en région cervicale et tronculaire dorsales. La peau présente un « aspect cartonné » sur la ligne du dos. Une télangiectasie et des comédons sont également notés sur l'abdomen.

Les muqueuses gingivales sont roses et humides, le patient ne présente pas de signe de déshydratation clinique, sa température rectale est dans les valeurs usuelles. L’auscultation cardiopulmonaire ne révèle pas d’anomalie majeure. L’abdomen est distendu, une hépatomégalie est objectivée à la palpation abdominale.

Un gonflement des tissus mous avec douleur à la palpation est identifié en regard de la face plantaire et médiale des métatarses gauches.

Investigations diagnostiques

Afin d’explorer la cause de la PUPD, polyphagie, distension abdominale et alopécie, un bilan sanguin, urinaire et endocrinologique est réalisé. Le bilan hématobiochimique montre une augmentation marquée de l’enzymologie hépatique en faveur d’une hépatopathie choléstatique (PAL = 1380U/L, ALAT = 429U/L), une hypercholestérolémie, ainsi qu’une discrète leucocytose neutrophilique. L’analyse d’urine révèle des urines hyposthénuriques (DU 1.006), ainsi qu’une protéinurie marquée d’origine rénale (RPCU = 1.97) sans signe d’infection du tractus urinaire. Le test de stimulation à l’ACTH est en faveur d’un hyperadrénocorticisme (cortisol à T0 = 293nmol/L, cortisol à T0+1h > 827nmol/L). La mesure de pression artérielle montre une hypertension artérielle systémique modérée (PAS = 170mmHg).

Afin de déterminer la forme d’hyperadrénocorticisme (hypophysaire ou surrénalienne), un examen tomodensitométrique de l'encéphale et de l’abdomen sont réalisés. Ces examens révèlent un macroadénome hypophysaire ainsi qu’une hypertrophie bilatérale des glandes surrénales (images 1a et 1b). Un dosage de l’ACTH endogène élevé vient confirmer le caractère sécrétant de cette masse pituitaire à l’origine de la maladie de Cushing du patient.

Ultérieurement, des radiographies du thorax et du membre pelvien gauche, réalisés dans le cadre de l’exploration d’une polypnée et de la boiterie mentionnée à l’admission, montrent de très nombreuses minéralisations dystrophiques cutanées (calcinosis cutis), bronchiques, muscuclaires et tendineuses, secondaires à l’hyperadrénocorticisme (images 2a, 2b et 2c).

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Images 1a & 1b : Image 1a (gauche) = Coupe transverse tomodensitométrique de l’encéphale, post-injection d’iohexol, montrant une masse pituitaire de 7,5mm d’épaisseur. Image 1b (droite) = Coupe transverse tomodensitométrique de l’abdomen montrant une augmentation de taille des surrénales bilatéralement.

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Images 2a, 2b & 2c : Vues radiographiques de profil du membre thoracique gauche (gauche) et du membre pelvien droits (milieu), et vue radiographique du profil thoracique gauche (droite) montrant une calcinosis cutis généralisée et marquée associée à des minéralisations dystrophiques musculaires et tendineuses/ligamentaires ainsi que bronchiques.

Traitement

Un traitement au trilostane est mis en place, à raison de 1mg/kg per os matin et soir, afin de réduire la production de cortisol endogène, et donc de réduire des symptômes associés. Un traitement anti-protéinurique, anti-hypertenseur est également initié à base de bénazepril 0.5mg/kg per os matin et soir.

La propriétaire rapporte une nette amélioration clinique initiale avec résolution de la PUPD et de la polyphagie dans les 10 jours ayant suivi l’initiation du traitement, puis une anorexie, des vomissements et de la diarrhée, 2 semaines après le début du traitement. Un bilan sanguin montre une cortisolémie basale basse (<27nmol/L) ainsi qu’un ionogramme dans les valeurs usuelles, en faveur d’un hypocorticisme iatrogène. Le traitement au trilostane est arrêté pendant 10 jours puis repris à 0,6mg/kg matin et soir. La propriétaire rapporte une récidive des symptômes 1 semaine après la reprise du traitement avec cette fois un abattement très marqué. La cortisolémie basale est de nouveau basse (<27nmol/L), avec cette fois apparition de troubles électrolytiques en faveur d’un panhypoadrénocorticisme iatrogène (déficit en cortisol et aldostérone) avec hyperkaliémie (K+ = 6,6mmol/L), hyponatrémie (Na+ = 124mmol/L), et rapport Na/K bas (Na/K = 18,5).

Chez ce chien, l’hyperadrénocorticisme a progressé vers un hypoadrénocorticisme secondairement à l’administration de trilostane. Ce traitement est donc arrêté. À la suite de quelques jours d’hospitalisation sous fluidothérapie ayant permis de normaliser les troubles électrolytiques, de la prednisolone est prescrite à dose physiologique (0.1mg/kg/j), afin de traiter le déficit en glucocorticoïdes. Une injection de pivalate de désoxycorticostérone (Zycortal) est réalisée (1,5mg/kg SC) afin de traiter le déficit suspecté en minéralocorticoïdes. Une échographie abdominale de contrôle montre une nette diminution de taille des glandes surrénales en faveur d’une atrophie/nécrose surrénalienne. Deux mois après cet épisode, les ionogrammes de contrôles réguliers n’ont pas montré de récidive des anomalies électrolytiques, ne justifiant pas d’injections répétées de Zycortal.

Discussion

Les cas d’hypoadrénocorticisme iatrogène secondaires au trilostane chez les chiens atteins d’hyperadrénocorticisme hypophysaire ne sont pas rares. Une étude rétrospective menée chez 156 chiens atteints d’hyperadrénocorticisme traités au trilostane rapporte qu’environ 15% d’entre eux ont développé un hypoadrénocorticisme au cours des deux premières années de traitement et environ 25% au cours des quatre premières années de traitement (Kinga & Morton 2017). L’hypoadrénocorticisme iatrogène est transitoire dans la plupart des cas (75% des cas). Néanmoins, il peut parfois devenir permanent (25% des cas). La dose de trilostane administrée n’a qu’une faible influence sur le risque de développement de cette complication (Kinga & Morton 2017).

De manière générale, la taille des glandes surrénales augmente au cours du traitement au trilostane chez les chiens atteints d’hyperadrénocorticisme hypophysaire (Mantis et al. 2003). En effet, si le trilostane inhibe la cascade enzymatique responsable de la synthèse de cortisol par le cortex surrénalien, il ne diminue en aucun cas la quantité d’ACTH endogène produite par l’hypophyse. Chez les chiens atteints d’hypoadrénocorticisme iatrogène, la taille des glandes surrénales n’a jamais été étudiée de manière systématique. Comme documenté chez Jaya, une diminution de taille des glandes surrénales associée à un parenchyme surrénalien hyperéchogène a été rapportée chez un cas (Ramsey et al. 2008).

Kinga JB, Morton JM. Incidence and risk factors for hypoadrenocorticism in dogs treated with trilostane. The Veterinary Journal. 2017. 230;24–29.

Mantis P, Lamb CR, Witt AL et al. Changes in ultrasonographic appearance of adrenal glands in dogs with pituitary-dependent hyperadrenocorticism treated with trilostane. Veterinary Radiology & Ultrasound. 2003. 44(6); 682-685.

Ramsey IK, Richardson J, Lenard Z, et al.  Persistent isolated hypocortisolism following brief
treatment with trilostane. Aust Vet J. 2008. 86;491–495.

Par le Dr Jérôme COUTURIER, DipECVN

Jamie, berger allemand femelle de 7 ans est référée en consultation de neurologie pour dyschésie (difficultés à la défécation) depuis 6 semaines associée à une dysurie (difficultés à la miction) depuis 2 semaines. Aucun trouble locomoteur n’est rapporté. La mise en évidence d’une douleur franche à l’examen lombo-sacré oriente le vétérinaire référant vers une affection de la queue de cheval. Des clichés radiographiques mettent en évidence une vertèbre de transition lombaire et une subluxation lombo-sacrée avec spondylose ventrale. Un traitement AINS/Xatral/Dantrium est prescrit avant référé.

A l’examen en extérieur, des mises en position infructueuses pour déféquer et uriner sont constatées sans émission de selles ou urines. A l’examen neurologique, Jamie montre une position anormalement basse de l’arrière train, un retard proprioceptif des 2 membres pelviens, des réflexes sciatiques/fémoraux normaux mais un réflexe périnéal diminué. Une douleur modérée est évidente à la palpation de la région lombo-sacrée. L’examen des nerfs crâniens est normal. La localisation neuroanatomique est L6-S3 (syndrome de la queue-de-cheval). L’examen clinique montre une vessie dilatée plutôt flasque mais non vidangeable par taxis (compatible avec une vessie de type motoneurone périphérique ou vessie MNP).

Les hypothèses sont dégénératives (hernie discale/ sténose lombo-sacrée dégénérative), inflammatoires (discospondylite, névrite) ou tumorale en priorité, les radiographies orientant notamment pour la première hypothèse.

Un examen cytobactériologique urinaire est réalisé sur place (Azurvet-Lab) et s’avérera positif ultérieurement pour un Staphylococcus xylosus. Un scanner du rachis lombo-sacré est effectué sous anesthésie (images 1 à 3) et confirme les clichés radiographiques : 8 vertèbres lombaires sont identifiées, L8 étant transitionnelle (sacralisée). Une subluxation marquée L7-L8 est identifiée (subluxation ventrale de L8) résultant en une sténose lombosacrée canalaire marquée avec compression de la queue-de-cheval et sténose foraminale bilatérale. Des images IRM complémentaires sont réalisées (image 4) pour mieux distinguer la protrusion discale et le degré de compression des racines nerveuses.

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Image 1 : coupe tomodensitométrique (scanner) sagittale en fenêtre osseuse. Noter la subluxation ventrale de L8 par rapport à L7 (décalage entre les 2 lignes bleues).

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Image 2 : coupe tomodensitométrique (scanner) transversale en L7-L8 en fenêtre osseuse. Noter l’élargissement de l’interligne entre les processus articulaires (têtes de flèche).

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Image 3 : coupe tomodensitométrique (scanner) sagittale en fenêtre tissus mous. Noter la protrusion discale obstruant le canal vertébral (têtes de flèche).

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Image 4 : vue sagittale en IRM en pondération T2. En comparaison du scanner, noter la meilleure identification de la protrusion discale (têtes de flèche) et l’absence complète de  graisse péridurale, normalement hyperintense (flèche), confirmant une compression marquée de la queue de cheval.

Le diagnostic est une sténose lombo-sacrée dégénérative avec subluxation/instabilité indiquant une chirurgie décompressive (laminectomie dorsale) et une arthrodèse lombo-sacrée. Une sonde de Foley avec vidange par le propriétaire est mise en place avant la chirurgie.

Une laminectomie dorsale L7-L8 est réalisée puis la protrusion discale est incisée avant d’être curetée dans sa totalité accessible. La subluxation est ensuite réduite puis maintenue par 2 vis transarticulaires de 2,7 mm avant la pose de vis additionnelles (4 dans L7, 2 dans L8, 2 dans S1) dont les têtes sont laissées émergeantes des corps vertébraux (Image 5) puis prises en masse dans du ciment chirurgical PMMA/gentamycine.

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Image 5 : vue per-opératoire après mise en place des implants (mais avant mise en place du ciment). Noter la queue de cheval visible dans la fenêtre de laminectomie (tête de flèche).

Un scanner de contrôle confirme la bonne réduction/décompression et la bonne position des implants (images 6 à 8).

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Image 6 : coupe tomodensitométrique (scanner) post-opératoire sagittale en fenêtre osseuse confirmant la bonne réduction (lignes bleues) et décompression.

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Image 7 : coupe tomodensitométrique (scanner) post-opératoire dorsale en fenêtre osseuse montrant la position des implants (vis = points blancs).

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Image 8 : coupe tomodensitométrique (scanner) post-opératoire transversale en L7 montrant le trajet des 4 vis dont la tête est prise par du ciment PMMA.

Après l’hospitalisation post-opératoire normale, Jamie est rendue à son propriétaire avec une sonde de Foley et un traitement visant à faciliter les mictions (Xatral) et les défécations (Psyllium, Duphalac) en plus du traitement anti-inflammatoire/antalgique (AINS, tramadol, gabapentine). La sonde de Foley est retirée 10 jours plus tard et des mictions partielles sont alors observées s’améliorant progressivement sur 1 mois. Des radiographies de contrôle sont réalisées à 2 semaines et 6 semaines post-opératoire et confirment une stabilité du montage et l’absence de complication. Un suivi de l’ECBU au retrait de la sonde indique une antibiothérapie et un ECBU de contrôle s’avère ensuite négatif. Jamie vit avec des mictions normales malgré un jet d’urines plutôt fin et redevient capable de déféquer ce qui lui permet de retrouver une bonne qualité de vie. Seul le traitement Psyllium/Duphalac est conservé à des fins préventives de constipation.

Discussion

La sténose lombo-sacrée dégénérative (SLD) cause classiquement douleurs, troubles locomoteurs et plus rarement incontinence urinaire et/ou fécale comme chez Jamie. L’incontinence a été clairement identifiée dans le passé comme un facteur pronostique négatif notamment l’incontinence urinaire chronique (> 1 mois) (De Risio JAVMA 2001). Si le scanner permet une évaluation anatomique détaillée, rapide et éventuellement en contrainte (« dynamique »), l’IRM peut montrer un bénéfice pour l’évaluation des racines nerveuses L7 et notamment identifier si une sténose foraminale est présente (Lichtenhan Vet Surg 2020).

La technique chirurgicale utilisée chez Jamie (laminectomie dorsale, arthrodèse vis/ciment) a été récemment évaluée (Tanoue, JAVMA 2022). Une amélioration ou guérison a été constatée sur les 21 cas opérés. Des complications mineures (rupture d’implant, sérome, œdème, retard de cicatrisation) ont été observés dans 28,6% des cas. Cette technique constitue une alternative accessible et moins onéreuse à la fixation par vis pédiculaires récemment décrite (Tellegen, BMC Vet res 2015). Lors de sténose foraminale, une foraminotomie peut être indiquée, la technique utilisée à Azurvet étant celle décrite par Gödde (Vet Surg 2007) et acquise lors d’un cours, théorique et pratique, dédié au traitement chirurgical de la SLD (Integrated approach to the lumbosacral spine, Madrid 2014).

Bibliographie

De Risio L, Sharp NJ, Olby NJ et coll. Predictors of outcome after dorsal decompressive laminectomy for degenerative lumbosacral stenosis in dogs: 69 cases (1987-1997). J Am Vet Med Assoc 2001 ; 219 : 624-628.

Lichtenhahn V, Richter H, Gödde T et coll. Evaluation of L7-S1 nerve root pathology with low-field MRI in dogs with lumbosacral foraminal stenosis. Vet Surg 2020 ; 49 : 947-957.

Tanoue H, Shimada M, Ichinohe T et coll. Postoperative outcomes of combined surgery comprising dorsal laminectomy, transarticular screws, pedicle screws and polymethylmethacrylate for dorsal fixation in 21 dogs with degenerative lumbosacral stenosis. J Am Vet Med Assoc 2022 ; 260 : 1813-1819.

Tellegen AR, Willems N, Tryfonidou MA et coll. Pedicle screw-rod fixation: a feasible treatment for dogs with severe degenerative lumbosacral stenosis. BMC Vet Res 2015 ; 11 : 299.

 

Par le Dr Nicolas GIRARD, DipECVD, spécialiste en dentisterie.

Pilou est un petit lapin de compagnie de 8 ans et 1,2 kg présenté en consultation de second avis pour une prise en charge médico chirurgicale d’un abcès facial chronique en projection de la mandibule gauche. Son état général est par ailleurs satisfaisant avec notamment un appétit maintenu et un transit digestif respecté. Par deux fois une procédure de marsupialisation de l’abcès a été entreprise avec antibiothérapie de type marbofloxacine par voie orale conduisant à une récidive sous quelques semaines.

La première étape du plan de traitement est tout d’abord diagnostique.  Sous sédation un examen radiologique dentaire est mis en œuvre complété par une taille des tables d’occlusion. L’examen Cône Beam CT (CBCT) confirme l’origine dentaire de l’abcès facial et permet de statuer sur l’identification des alvéoles dentaires inclues dans le foyer d’ostéomyélite mandibulaire. Le défaut de continuité de l’os alvéolaire est synonyme de perméabilité de l’alvéole dentaire adjacente au foyer infectieux. L’identification précise des dents associées à l’abcès intra osseux est essentielle à la gestion chirurgicale de l’affection. (Figure 1 a – b - c) : 

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La seconde étape du plan de traitement est chirurgicale. Sous anesthésie générale l’arcade dentaire est abordée sous environnement aseptique par voie extra orale à l’aplomb du foyer d’ostéolyse de la corticale (Photo 2 ci dessous) : 

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Après débridement des tissus de granulation inflammatoire le premier objectif est de bien identifier la première structure dentaire afin de faciliter l’orientation de la lésion intra osseuse en relation des formes dentaires PM3 PM4 et M1. Un set de curette alvéolaire (cléoïde  discoïdes) et de curette parodontale (Molt, Gracey) facilite la mobilisation et la luxation avulsion de l’intégralité des dents jugales, par voie extra orale. Une bactériologie du site est réalisée associant pus et tissu de granulation ; les parois osseuses de l’abcès sont débridées. Les bords de la gencive sont identifiés et suturés, la plaie faciale est refermée et suturée plan par plan. Un examen CBCT post opératoire immédiat permet de valider la bonne mise en œuvre du plan de traitement (Figure 3 a - b ci dessous) : 

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Pilou est hospitalisé sous perfusion pendant 24 heures pour gestion de la douleur et suivi d’un maintien du transit et de la préhension orale. Dans l’attente de l’antibiogramme une gestion anaérobie de l’infection est mise en œuvre sous forme injectable quotidienne sous cutanée à l’aide de Pénicilline. La convalescence de Pilou au cours des premières jours est bonne avec absence de recours au gavage de foins déshydraté. La bactériologie précise l’identification d’un Gram - anaérobie sensible à la Pénicilline. Le Traitement injectable est prolongé sur 1 mois en tout. Six mois après l’intervention un suivi radiologique CBCT confirme l’absence de récurrence de l’ostéomyélite mandibulaire. (Figure 4 a – b ci dessous) : 

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Discussion : 

L‘espérance de vie du Lapin domestique est pour l’essentiel dépendante de l’intégrité de son statut dentaire. A ce titre, la qualité de l’alimentation distribuée est intimement dépendante de l’évolution de la maladie Dentaire des Petits Herbivores de Compagnie. L'ostéomyélite de la mâchoire d’origine dentaire chez le lapin domestique est probablement le résultat d'un échec des capacités de cicatrisation intra osseuse suite à une dissémination bactérienne d'origine parodontale. Une étude de l'histologie des mâchoires du lapin met en évidence proportion significative de graisse au sein de la contrepartie spongieuse du processus alvéolaire (2014 Campilo). La distinction histologique entre os alvéolaire et os spongieux au sein du processus alvéolaire est moins précise que chez l’homme. En conséquence l’os mandibulaire du lapin contient moins de cellules hématopoïétiques et plus d'adipocytes que l’os mandibulaire humain. Le tissu adipeux a démontré un effet protecteur pour l’os mandibulaire humain contre l'irradiation ou la résection chirurgicale de tumeurs suite à sa transplantation. (2001 Sen, 2013 Lyn) L’adaptabilité du processus alvéolaire du lapin à un environnement inflammatoire et au processus d’agression continu est partiellement expliquée par ces observations. Un foyer d’ostéomyélite d’origine dentaire chez un lapin domestique peut être considéré comme la conséquence d’une rupture de l’équilibre histologique intra osseux spécifique aux herbivores : la sévérité de l’inflammation osseuse associée au processus d’intrusion des bourgeons dentaires facilite en certaines situations une contamination bactérienne d’origine parodontale.

Le taux de croissance des dents du lapin est conditionné par le type de texture de son régime alimentaire. En comparant un régime à base de foins et un régime à base de granulés, on observe une augmentation de la pression sur la table occlusale et une augmentation du taux de croissance des couronnes dentaires pour l’aliment granulés. (2016 Wyss) L'alimentation influence en plus la morphologie du crâne des lapins avec la mise en évidence de mouvements des mâchoires qui diffèrent selon la résistance de l'aliment avec un axe de pression occlusale différent sur les incisives et les dents jugales.  L'adaptation cranio-faciale à leur régime alimentaire au cours de l'évolution a fait l'objet d'une revue synthétique récente. (2017 Böehmer) Le lapin dans sa forme sauvage se nourrit d'herbes vertes, de jeunes pousses d'arbres et de racines molles. Le lapin sous sa forme domestique consomme principalement des granulés, auxquels s'ajoute du foin (en libre accès) plus résistant que l'herbe. Plus l'aliment proposé est dur et plus la pression exercée sur la table occlusale est importante, entraînant le développement d'une biomécanique favorable à l'intrusion de la ‘racine’ dentaire.

L’abcès facial du Lapin en relation avec une ostéomyélite de la mâchoire d’origine dentaire est certainement la forme d’affection dentaire du lapin la plus sévère. Des études antérieures ont déjà démontré l'intérêt de l'utilisation des images Scanner dans le diagnostic des pathologies dentaires chez le lapin domestique. (2016 Capello, 2016 Riggs) Cependant l’examen CBCT facilite la prise en charge complète des dents au niveau du site de l'ostéomyélite maxillaire par une analyse fine de l'os alvéolaire. Cette technique d’imagerie est supérieure au scanner conventionnel pour l’étude de la dentition et notamment du tissu parodontal. (2016 Riggs)

La procédure d’extraction chirurgicale extra orale, documentée par un examen radiologique pré opératoire précis, s’avère être la clef pour une gestion sûre de cette affection. L'abord intra oral de la dent est de fait limitant compte tenu de l’extrusion du bourgeon dentaire au travers de la corticale du processus alvéolaire qui rend délicate voire impossible l’accomplissement de la procédure. D’autre part le curetage osseux approfondi à même d’éliminer les tissus inflammatoires intra osseux ne peut être lui aussi pleinement accompli par la voie orale. Cette stratégie modifie le pronostic thérapeutique de l’affection avec une guérison qui devient la règle plutôt que l’exception.

(nb : ce cas clinique est une illustration résumée d’une série de cas cliniques en cours de publication.)

Par Axelle FREVILLE, Corentin TREICH, et Elsa EDERY, DipECVIM.

Une tumeur vésicale de 2 cm caudodorsale droite, sans adénopathie (en particulier iliaque) ni métastases pulmonaires (radiographies thoraciques), est diagnostiquée par échographie abdominale chez une chienne Chihuahua de 8 ans, référée pour exploration d'une hématurie, dysurie et strangurie évoluant depuis 2 mois.

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Masse  pariétale s'étendant caudolatéralement à la paroi vésicale juste 3mm en amont du méat urétéral D. Cette masse est irrégulière et mesure 2,3cm/1,4cm/1,1cm.

Une biopsie réalisée sous cystoscopie permet des examens histologique et cytologique (calque et lecture extemporanés par le laboratoire AzurvetLab), mettant en évidence un carcinome urothélial.

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Tumeur vésicale visualisée par cystoscopie avant biopsie pour histologie

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Carcinome des cellules transitionnelles : population de cellules rondes à ovales arrangées en amas cohésifs ayant un rapport nucléocytoplasmique faible à modéré ainsi qu'une anisocytose et une anisocaryose modérées. Cytoplasme modérément à très abondant, basophile, granulaire et contenant parfois une grande vacuole contenant du matériel rosé et granulaire. Chromatine nucléaire granulaire à réticulée  avec deux à cinq petits nucléoles. Absence de mitose.

La tumeur de par sa localisation au trigone et à proximité du méat urétéral droit ne permet pas d’envisager une résection chirurgicale simple par cystectomie partielle, mais ne génère pas d’obstruction urétrale ni urétérale.

Une chimiothérapie associant du carboplatine et un anti inflammatoire (firocoxib) est initiée, toutes les 3 semaines ce qui permet de stabiliser la maladie pendant 6 mois, sans effet secondaire notable.

A 7 mois, une hématurie occasionnelle et des mictions plus fréquentes font suspecter une progression de la maladie, se manifestant par une invasion urétrale : un changement de protocole anticancéreux est initié pour de la mitoxantrone puis de la vinblastine.

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Invasion urétrale progressive à 211 jours

L’animal est stabilisé cliniquement pendant 10 mois à partir du diagnostic initial par l’utilisation séquentielle de plusieurs molécules de chimiothérapie associées aux ains.

A 10 mois de traitement, une subobstruction urétrale survient.

  

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Dilatation pyélique droite, urétérale distale, envahissement urétral, subobstruction urétrale proximale à J309

Un stent urétro-vésical est posé sous fluoroscopie, après réalisation d’une urétro-cystographie de contraste, pour restaurer la perméabilité des voies urinaires. Les mictions sont améliorées avec un jet correct, la sortie d’hospitalisation survient le lendemain. De l'incontinence est rapportée, cependant présente avant la procédure.

Capture_décran_2022-06-22_à_20.53.14.jpgUn stent urétro-vésical de 6 mm de diamètre et 60 mm de long est mis en place pour rétablir la perméabilité des voies urinaires.

L’animal décède après un an de prise en charge médicale de son carcinome urothélial suite à une subobstruction urétérale bilatérale, secondaire à un envahissement urétéral gauche, la cause n’est pas identifiée à droite (envahissement, sténose). Le stent urétral est en outre envahi par la croissance de la tumeur. Une infection urinaire vésicale +/- pyélonéphrite est également mise en évidence. La pose de stents urétéraux est envisagée mais n’est pas réalisable : l’animal est euthanasié.

Les carcinomes urothéliaux sont les tumeurs vésicales les plus fréquentes chez le chien (90% des cas), en particulier chez les chiennes stérilisées de plus de 10 ans, et dans certaines races (Scottish Terrier notamment) (6,7).

Le diagnostic fait appel à la recherche de mutation BRAF sur urines récoltées par miction, la cytologie par cathétérisme ou l’histologie de biopsies prélevées sous cystoscopie.  La cytoponction transabdominale échoguidée ou la biopsie par cystotomie exposent un risque d’essaimage abdominal (10% des cas de cystotomie), ayant pour conséquence une survie moyenne réduite (57 jours sous traitement médical lors d’essaimage abdominal vs 231 jours en l’absence d’essaimage) (7, 13, 15).

La mutation BRAF (détection par PCR amplifiée) est présente dans plus de 80% des carcinomes urothéliaux : l’examen est réalisé sur urines récoltées par mictions (12). La présence de cette mutation pourrait constituer une cible thérapeutique future.

La cytologie par cathétérisme urétral traumatique est beaucoup plus sensible que la cytologie du culot (10).

Le prélèvement de biopsies sous cystoscopie est la méthode de référence permettant d’établir un diagnostic chez 96% des femelles et 65% des mâles (5).

La résection chirurgicale est rarement envisageable étant donné la localisation souvent proche du trigone et des abouchements urétéraux. Une cystectomie partielle doit cependant être envisagée lors de tumeur non métastatique (T1-T2N0M0) et localisée hors trigone (apex) et après un bilan d’extension local par cystoscopie : la cystectomie partielle associée au piroxicam a permis des survies jusque 2 ans (9).

Le traitement médical est le pilier du traitement et repose sur l’utilisation séquentielle de cytotoxiques associés aux anti-inflammatoires antiCOX : il permet d’obtenir des rémissions partielles ou une stabilisation de la maladie. Le protocole de chimiothérapie initial est poursuivi tant que la tumeur est contrôlée cliniquement et par échographie 2D standardisée toutes les 4 à 8 semaines (8). Lors de progression du cancer ou de toxicité, une molécule de 2e intention est utilisée. Cette approche permet de contrôler la croissance tumorale chez 75% à 80% des chiens. La qualité de vie est généralement très bonne et la survie prolongée autour d’une année (1, 2).

L’évolution locale de la maladie lorsqu’elle génère des obstructions des voies urinaires est souvent le facteur conduisant à l’euthanasie. La pose d’un stent constitue un traitement palliatif permettant de restaurer rapidement une perméabilité urétrale ou urétérale, sans complication majeure et participe à prolonger la survie (autour de 80 jours). De l’incontinence, des réobstructions surviennent dans une minorité de cas (3, 11, 16).

Les infections urinaires sont une complication fréquente des tumeurs vésicales du fait de l’altération des systèmes de défense du tractus urinaire : 55% des cas présenteront une infection au cours de l’évolution de la maladie, en particulier lors d’envahissement urétral (75% présenteront une infection urinaire contre 30% en l’absence d’envahissement urétral) et chez la femelle (80% présenteront une infection contre 30% chez les mâles) : elles peuvent mimer une progression de la maladie, et sont à envisager notamment chez la femelle et lors d’envahissement du trigone ou de l’urètre (envahissement présent dans 2/3 à ¾ des cas) (4).

  1. Allstadt and coll JVIM 2015 Randomized Phase III Trial of Piroxicam in Combination with Mitoxantrone or Carboplatin for First-Line Treatment of Urogenital Tract Transitional Cell Carcinoma in Dogs
  2. Arnold and coll JVIM 2011Clinical Trial of Vinblastine in Dogs with Transitional Cell Carcinoma of the Urinary Bladder
  3. Blackburn JAVMA 2013 Evaluation of outcome following urethral stent placement for the treatment of obstructive carcinoma of the urethra in dogs: 42 cases (2004-2008)
  4. Budrekis and coll JVIM 2015 Bacterial Urinary Tract Infections Associated with Transitional Cell Carcinoma in Dogs
  5. Childress and coll JAVMA 2011 Results of biopsy via transurethral cystoscopy and cystotomy for diagnosis of transitional cell carcinoma of the urinary bladder and urethra in dogs: 92 cases (2003–2008)
  6. De Brot and coll Oncol Lett 2018 The dog as an animal model for bladder and urethral urothelial carcinoma: Comparative epidemiology and histology
  7. Higuchi and coll JAVMA 2013 Characterization and treatment of transitional cell carcinoma of the abdominal wall in dogs: 24 cases (1985–2010)
  8. Honkisz and coll Vet J 2018 Evaluation of two-dimensional ultrasonography and computed tomography in the mapping and measuring of canine urinary bladder tumors
  9. Marvel and coll Vet Comp Oncol 2017 Clinical outcome of partial cystectomy for transitional cell carcinoma of the canine bladder
  10. McAloney and coll Vet Comp Oncol 2021 Comparison of pathologist review protocols for cytologic detection of prostatic and urothelial carcinomas in canines: A bi-institutional retrospective study of 298 cases
  11. McMillan JAVMA 2012 Outcome of urethral stent placement for management of urethral obstruction secondary to transitional cell carcinoma in dogs: 19 cases (2007–2010)
  12. Mochizuki and coll PLoS One 2015 Detection of BRAF Mutation in Urine DNA as a Molecular Diagnostic for Canine Urothelial and Prostatic Carcinoma
  13. Nyland and coll Vet RAdiol Ultrasound 2002 Needle-tract implantation following us-guided fine-needle aspiration biopsy of transitional cell carcinoma of the bladder, urethra, and prostate
  14. Rocha and coll JVIM 2020 Prognostic Factors in Dogs with Urinary Bladder Carcinoma
  15. Vignoli and coll Schweiz Arch Tierheilkd 2007 Needle tract implantation after fine needle aspiration biopsy (FNAB) of transitional cell carcinoma of the urinary bladder and adenocarcinoma of the lung
  16. Weisse JAVMA 2006 Evaluation of palliative stenting for management of malignant urethral obstructions in dogs

 

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